Pour Tigran Hamasyan qui, entre parenthèses, a retrouvé son nom complet sur la pochette, tout est question de savoir-faire. En l'occurrence, savoir imbriquer tant d'influences que celles des airs traditionnels arméniens de « Kars 1 » et « Kars 2 (Wounds of the Centuries) », des mélopées lyriques de « Song for Melan and Rafik » et « To Love», du jazz fusion de « Double Faced », ou de la boucle rythmique de « Entertain Me » qui, à une époque, aurait pu servir de générique radiophonique. Le rock ou les programmations de synthétiseur sont également présents dans ce premier album pour le compte du label Nonesuch et plus que jamais avant-gardiste, sinon défricheur de territoires inconnus.
Le pianiste-voyageur, à cheval entre Erevan et New York, prend soin de tenir l'auditeur par la main dès « To Love », et de le guider dans les méandres de sa création par la simplicité d'une mélodie vocale agrémentée de touches de piano. Le chant éthéré s'invite encore sur les compositions suivantes, jazz fusion ou traditionnels revisités, traversés de loops electro et d'improvisations solo ou en groupe. Le bassiste Sam Minaie et le batteur Arthur Hnatek étoffent Mockroot d'une rythmique solide, en pesanteur, comme pour mieux contrebalancer les aspirations lyriques et aériennes du leader.
Les multiples chemins empruntés par le trio se rencontrent autour d'un morceau fédérateur, emblématique, en cinquième position de l'album. Après consultation du titre, « The Roads That Brings Me Closer to You » s'avère justement nommé. En guise de mélodie solo impressionniste, « Lilac » effectue la transition avec une suite contrastée, entre le « tube » « Entertain Me », les lignes chantées évanescentes de « The Apple Orchard in Saghmosavanq » et « To Negate », la brève conclusion du traditionnel oriental « Kars », et un nouveau diptyque très savant, « The Grid » / « Out of the Grid ». Aussi variées soit-elles, les pistes abordées par Mockroot ramènent à l'ingéniosité du compositeur et pianiste à les marier.
Loïc Picaud - Copyright 2015 Music Story
